La poudre aux yeux

Un salon bourgeois chez Malingear :
Piano à gauche, bureau à droite, guéridon au milieu.
Scéne1
Madame malingear
Sophie un panier sous le bras
Sophie
Alors, Madame, il ne faudra pas de poisson ?
Madame malingear
Assise à droite du guéridon et travaillant.
Non !....Il a fait du vent toute la semaine, il doit être hors de prix….Mais tachez que votre filet soit avantageux.
Sophie
Et pour les légumes ?.....on commence à voir des petits pois.
Madame malingear
Vous savez bien que les primeurs n’ont pas de goût…Vous ferez un chou farci.
Sophie
Comme la semaine dernière ?....
Madame malingear
En revenant du marché, vous apporterez votre livre…..Nous compterons.
Sophie
Bien, Madame.
Elle sort à droite
Scéne2
Madame malingear, monsieur malingear
Malingear, entrant par le fond.
C’est moi…Bonjour, ma femme !
Madame malingear
Tiens…Tu étais sorti ?...D’ou viens-tu ?
Malingear
Je viens de voir ma clientèle.
Madame malingear
Ta clientèle ! Je te conseille d’en parler…Tu ne soignes que les accidents de la rue. Les gens qu’on écrase où qui tombent par les fenêtres.
Malingear
Ce matin, on est venu me chercher à six heures.....J’ai un malade.
Madame malingear
C’est un étranger, alors ? C’est la première fois, depuis deux ans qu’on songe à te déranger.
Malingear, gaiement.
Je me lance.
Madame Malingear
Quand par hasard, le Ciel t’envoie un client, tu commences par le rassurer…Tu lui dis : »Ce n’est rien ! C’est l’affaire de quelques jours. »
Malingear
Pourquoi effrayer ?
Madame malingear
Avec ce système-là, tu as toujours l’air d’avoir guéri un bobo, une engelure !...Je connais plusieurs de tes confrères…de varis médecins, ceux-là ! Quand ils approchent un malade, celles-là pas pour deux jours ! Ils disent tout de suite : »Ce sera long, très long ! « Et ils appellent un de leur collègue en consultation.
Malingear
A quoi bon,… (….)
Madame malingear
Heureusement que la Providence nous a donné deux bonnes mille livres de rente, et que nous n’attendons pas après te clientèle. Qu’est-ce que c’est que cette personne qui est venue te demander ce matin ?
Malingear
Ah ! Que tu es curieuse !...C’est un cocher qui a reçu un coup de pied de cheval.
Madame Malingear
Un cocher !....mon compliment !...demain on viendra te chercher pour le cheval.
Malingear
Plaisante tant que tu voudras ! Mais je suis enchanté d’avoir donné mes soins à ce brave garçon…en causant avec lui, j’ai appris des choses…On jase sur notre maison.
Madame Malingear
Sur nous ?....Guer peut-on dire ?
Malingear
Pas sur nous mais sur ce jeune homme qui vient tous les jours faire de la musique avec ta fille .On dit que c’est le prétendant d’Emeline .Hier soir, chez le concierge, on a même fixé le jour du mariage(…).
Madame Malingear
Je t’avoue que j’avais songé à lui pour Emeline.